▬ Il y a de ces gens qui sont empreints de générosité et de naïveté bien placées. C’est un peu le cas de Kusano Nobuo, vingt-et-un ans et toutes ses dents. Le jeune étudiant en lettres est quelqu’un de droit et d’honnête, et il n’est pas de ceux qui se donnent une allure mystérieuse pour attirer les regards, et notamment celui des filles. Si l’on devait mettre les gens dans des cases, Nobuo intégrerait sans doute celle du type discret qui ne se fait pas remarquer par son entourage et ne le cherche de toute façon pas. Bon, ne l’élevons pas non plus au niveau du stéréotype du binoclard assis au premier rang avec la main constamment levée pour poser une question au professeur, non non ! Même s’il paraît quelque peu effacé, il a quand même un caractère bien trempé qui lui est propre. Têtu comme une mule, lorsqu’il a décidé d’entreprendre quelque chose il aura tendance à le faire jusqu’au bout et il sera difficile de lui faire changer d’avis. Jaloux et un tantinet possessif, lorsqu’il est amoureux de quelqu’un comme c’est actuellement le cas vis-à-vis de Tomoeda Hisae, il n’aime pas que d’autres personnes regardent la fille en question, lui parlent de manière trop familière etc. Mais il n’est pas non plus de nature à s’imposer, peu téméraire.
Nobuo est quelqu’un de studieux, on l’aura remarqué. Il a toujours eu un parcours scolaire très honorable afin de satisfaire ses parents qui semblaient attendre beaucoup de lui. Petit, il allait aux cours du soir mais en grandissant il s’est un peu plus acharné et n’a plus eu besoin de s’y rendre.
Fils unique, il n’a jamais eu de problème de jalousie envers un petit frère et une petite sœur. Quoique, s’il avait été l’aîné, qui sait s’il ne se serait pas transformé en frère poule l’espace de quelques années – quand c’est encore un bébé, parce qu’après c’est ingérable. En tout cas, il n’a pas à se poser ce genre de questions puisque ses parents ne semblent pas intéressés dans l’idée de faire un petit frère ou une petite sœur au jeune étudiant de vingt-et-un ans.
Il faut aussi souligner que Nobuo est du genre généreux, à donner sans attendre en retour et à rendre service. Bon, il ne le fait pas non plus à tout le monde, et quand on l’énerve ou quand on se moque de lui sans raison valable – et même avec une raison valable d’ailleurs, il part au quart de tour et dit parfois des choses qui dépassent sa pensée et peut lui attirer quelques ennuis. Il n’aime pas d’ailleurs quand il perd le contrôle de lui-même, ça le met de mauvaise humeur pour le restant de sa journée.

▬ Kusano Nobuo est né un cinq octobre mille neuf cent quatre-vingt-dix lors d’une fraîche soirée d’automne. Il n’y a rien de bien spécial à raconter sur son enfance car elle est assez ordinaire en somme. Sa mère est professeur de Japonais dans un collège de son quartier, quant à son père, c’est un banal salaryman de banque. Il n’a pas de frère ni de sœur donc toute l’attention familiale fut centrée sur sa petite personne, que ce soit les grand-parents, les oncles, les tantes … Il fallait dire que le couple avait mis tellement de temps à se décider à avoir un enfant que c’était limite un miracle si la mère de Nobuo n’avait pas atteint la ménopause avant d’avoir son fils. Vous l’aurez compris, les parents du jeune homme sont plus vieux que ceux des camarades de son âge.
Il intégra l’école primaire aux alentours de ses six ans comme tout bon petit Japonais qui se respecte et se fit rapidement des camarades de classe. Bruyant, agité, il ne tenait pas en place et il canalisait son trop plein d’énergie dans les divers jeux d’enfants qu’on pouvait inventer à l’époque. Il s’assagit au fil des années, après s’être fait réprimander par sa mère qui estimait qu’il s’amusait plus que ce qu’il étudiait. Elle fit d’ailleurs en sorte qu’il intègre sa classe au collège afin qu’elle puisse l’avoir à l’œil au moins dans son cours. Ce face à face avec sa génitrice quotidiennement ne plut pas du tout à Nobuo qui n’aimait pas du tout l’idée qu’on puisse le croire favorisé parce qu’il était le fils de la prof. Mais de ce côté-là, la mère du jeune homme ne faisait pas la différence entre son fils et les autres élèves, au contraire, elle se révélait être un véritable tyran avec lui ! Bref.

Petit à petit, Nobuo voyait ses notes monter tranquillement et quand sa mère fut assez satisfaite du niveau qu’il avait atteint, elle recommença à le laisser avoir quelques libertés d’adolescent de quinze ans. Il eut son premier portable à la fin du collège et maudit sa mère de l’en avoir privé alors que ses camarades s’envoyaient des mails à longueur de journée. C’était un peu frustrant d’être toujours à la masse, non ? Mais bon, on ne pouvait pas revenir en arrière non plus.
Il intégra un lycée public de son quartier, où le niveau d’enseignement était plutôt correct. Mais nous rappelons qu’on était à Ikebukuro et il y avait pas mal de petites frappes dans son lycée. Il faisait attention à ne pas se retrouver mêlés à leurs conflits de rues avec les G-Boys, groupe influent de badauds traînant dans les rues du quartier. Ses années lycée se passèrent tout à fait banalement, sans gros événement majeur à mentionner. Il eut sa première petite amie, mais leur relation fut de courte durée. Il n’en souffrit pas trop, n’ayant pas vraiment eu le temps de s’investir assez pour cela. Le plus frustrant était qu’elle l’avait lâché pour le play-boy du lycée, réputé pour enchaîner les filles les unes après les autres. Elle a tenté de revenir par la suite mais Nobu’ n’était plus intéressé.

Après avoir obtenu son diplôme de lycéen, Nobuo intégra l’université la plus proche et entra en section littéraire. Là sa vie prit un grand tournant. Il tomba rapidement amoureux d’une fille de sa section, Tomoeda Hisae. Elle était mignonne et souriante, elle semblait être quelqu’un d’intéressant. Il ne savait pas à quel point elle pouvait être superficielle par moments, notamment avec les garçons. Il était juste éperdument amoureux de la demoiselle et passait plus de temps à l’observer du coin de l’œil qu’à écouter le discours du prof. Bien sûr, il n’était pas assez téméraire pour aller lui avouer quoi que ce soit.
Un jour, alors qu’il avait décidé de la suivre car il trouvait son attitude bizarre, il la surprit en train de monter dans une limousine blanche. Pensant immédiatement que la jeune fille se faisait enlever, il mit son costume de super héros et prit le premier taxi pour suivre le véhicule, comme dans les films. Il en a mis des économies dans ce trajet inutile … Une fois sur place, il entendit une conversation entre Hisae et l’homme qui était en fait son garde-du-corps. Il s’était complètement mépris. Il allait repartir quand l’homme de main le repéra et le conduisit de forme dans la demeure Tomoeda. Il apprit donc qu’Hisae était fille d’un Yakuza et on lui offrit deux choix : soit se faire punir à la manière de Yakuza pour ce qu’il avait découvert, soit devenir le nouveau garde-du-corps de la demoiselle car l’actuel était plus vieux qu’elle et donc manquait de discrétion. Ni une ni deux, Nobuo accepta la tâche. Il serait rémunéré et cela lui permettrait d’éviter de chercher un baito et d’être quasiment tout le temps avec sa belle, même si elle s’en contrefiche, à part quand elle le fait passer pour son copain – ce qui lui plairait bien. Ses parents ne sont bien sûr pas au courant qu’il se retrouve mêlé dans une histoire de Yakuza, imaginez le drame …